Qu'avez-vous fait de vos 20 ans?

Mes premières pensées vont d'abord vers les amis qui sont morts, morts pas disparus ni partis comme je le vois trop souvent écrit, un peu comme si le terme rendait supportable l'insoutenable. Amis morts de maladie je vous regrette, morts d'excès de drogue ou de témérité vous restez présents comme le souvenir d'un affreux gâchis mais ce sont des vivants dont je veux parler et auxquels je demande qu'avez-vous fait de vos 20 ans ?

 

Toi, le révolutionnaire si prompt à la révolte que fais-tu à présent, banquier cravaté je t'ai croisé et tu m'as expliqué que tu étais contraint à de harassantes heures de travail. A mots couverts, comme honteux, tu m'as dit que pour faire partie du personnel d'encadrement tu n'avais pas le choix, et puis les enfants qui poursuivent leurs études ça coûte cher…et nous comment avions-nous fait pour faire les nôtres ? Ah oui il leur faut une voiture, et puis s'ils n'ont pas leur blouson d'une grande marque c'est vrai les temps ont changé, nous, nous faisions la mode surtout pas question de la suivre et pour nous les trajets se faisaient en stop…

Mais, nous, nous savions que le travail ne serait pas un problème alors que ce n'est plus le cas, est-ce vraiment un service à rendre que d'entretenir une illusion de monde doré ?

Nous, nous pouvions au moins rêver à un monde meilleur !

 

Toi, ma tendre amie qui refusait notre liberté sexuelle, cette liberté si proche du libertinage, pas l'ombre du sida pour réfréner, tu disais croire à l'amour. Tu déclarais ne pas nous comprendre quand un soir d'un copain nous faisions un amant qui redevenait ami au petit matin. Tu voulais l'Amour et rien d'autre. Deux divorces déjà à ton actif, et est-ce bien toi cette femme, certes toujours élégante, qui se sert de sa séduction pour arriver et si cela ne suffit pas tu es prête à écraser qui te dérange. Tu me fais comprendre que le monde des hommes t'a façonnée ainsi, qu'à force de lutter tu es devenue guerrière. Ce que tu ne m'as dit pas mais que j'ai compris c'est qu'en plus tu es devenue surtout sombre calculatrice, ton second mari, un con bien sûr ! mais fortuné, évidemment, te verse une substantielle pension. Sans honte aucune, tu m'expliques que tu as laissé les enfants de ton premier mariage à leur père et ceux du second sont dans une super école et que tu ne les voies que pour les vacances scolaires.

 

Toi, l'idéaliste tu rêvais de refaire le monde, rendre le monde meilleur tu fais quoi déjà ?

Ah tu fais de la politique, un instant je me suis dit que…Jusqu'à ce que tu me dises, tu fais quoi, toi ? Si tu veux je te fais rentrer… non cela ne pose aucun problème. Comment cela ne t'intéresse pas ? Mais enfin ! Tu pourrais avec tes idées… Quoi justement avec tes idées.

Mais enfin tes parents comme les miens en ont bavé pour nous payer nos études …Oui enfin toi tu bossais, c'est vrai, pour les payer. Revanche sur quoi,  sur qui? Le pouvoir ! Le tien te suffit ? Mais quel pouvoir as-tu ? Celui de choisir librement ta vie ?

 

Toi, la féministe tu l'es restée mais à quel prix ! Tu es seule, rejetée par les hommes, car à force de vouloir les changer tu t'es faite castratrice ! Mais tu n'as pas eu plus de chances avec les femmes qui ne comprennent plus ton combat. Les seuls moments où tu redeviens centre d'intérêts  pendant les campagnes électorales où tes colistiers mâles t'appellent ironiquement : « le quota ». Ton fils que tu as voulu, seule, après t'avoir accusé de l'étouffer vit maintenant à l'étranger et il te donne des nouvelles une ou deux fois l'an.

 

Voilà mes chers amis, pourquoi au fil des années nos liens d'amitié se sont distendus, pourquoi seul le hasard nous réunit à présent. Moi qui n'avais aucun grand idéal, aucun grand rêve en apparence, je vous accuse d'avoir trahi vos 20 ans.

 

Alors que vous regardiez le Che comme un héros révolutionnaire moi, seule, avait retenu cette phrase : « Il faut s'endurcir sans se départir de sa tendresse »!

Moi, qui à l'instar d'Eluard écrivait sur mes cahiers d'écolière Liberté.

Quand vous leviez le poing en signe de protestation, il y avait déjà longtemps que du haut de mes seize ans, je rejetais le communiste et j'exécrais le fascisme depuis bien avant encore.

Et bien en cela, je n'ai pas changé, alors mes rêves pouvaient paraître minables à vos yeux mais à quoi sert de rêver grand si c'est pour vivre petit.

 

Alors, oui j'ai aimé retrouvé ce regard éclairé de malice, j'ai aimé dire que, lui, n'avait pas changé. Lui, qui un jour de ras le bol a lâché la petite entreprise qu'il avait montée pour avoir le temps de vivre. Lui, qui lorsque ses employés ont dit qu'est ce qu'on devient si tu pars a répondu: « Patrons ! Vous devenez patrons la boite je vous la donne ! ». Lui, non plus n'avait de grands rêves, pas d'envie de changer le monde juste une putain d'envie de vivre !

    

Et pourtant nous les atypiques, les inclassables de votre jeunesse je le vois à votre regard d'envie, nous sommes maintenant devenus quelque part ce que vous rêviez d'être, et même vos tentatives pour nous « récupérer » ne sont faites que pour atténuer vos regrets. 

Même notre physique refuse de se conformer vraiment au temps qui passe.

C'est rageant !

 

Alors Amis je vous demande qu'avez-vous fait de vos 20 ans ?

Qu'avez-vous fait de vos beaux rêves ?

A quoi servent les rêves éclatants si c'est pour vivre de façon falote?

Faut-il rêver sa vie ou choisir de vivre son rêve ?

 

 

 



20/01/2010
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