Matin d'automne

Il faisait frais mais déjà le soleil dardait ses rayons : ce serait une belle journée. Une belle journée d'automne  comme elle les aimait. Peu à peu la brume allait se dissiper, ravivant ainsi toute la majesté des couleurs flamboyantes de l'automne. Les teintes allaient changer au fil des heures suivant la course du soleil. D'opalescentes  sous la brume elles allaient devenir  éblouissantes  d'abord, puis à partir de midi elles s'éteindraient progressivement  pour jouer avec les ombres du soir comme elles avaient joué avec la lumière tout au long de la journée.

 

Elle aimait aussi cette odeur particulière que donne la rosée. L'odeur d'humus des sous bois s'éveillait à peine, moins forte que dans la journée, elle n'était que fragrance subtile.

 

Le décor était planté. Elle pouvait rester des heures à contempler. La fraîcheur du matin ou du soir lui paraissait agréable  plus qu'agréable, indispensable : il ne s'agissait pas de se laisser anesthésier par le charme et la délicatesse  de la féerie. Non, surtout pas, elle avait besoin de toute son attention, pour surprendre l'envol d'un oiseau, la course d'un écureuil en quête de provisions. Décidément la distraction n'était point de mise ! Si elle pouvait se laisser gagner par l'engourdissement   devant la magnificence d'un soleil couchant, elle ne pouvait ici se permettre le moindre moment de relâchement. Elle devait être comme à l'affût. Elle devait guetter ses proies, pour les capturer, pour les emprisonner dans sa mémoire .

 

Sa première prise serait la fantasmagorie  des arbres sous la brume. Puis ce serait d'abord les ors lumineuses qui éclabousseraient le paysage. Les roux et les fauves ne viendraient enrichir le tableau qu'un peu plus tard rejoints enfin par le camaïeu de verts. Irrésistiblement elle penserait à la  topaze pour les jaunes les moins vifs, au grenat pour les rouges les plus marqués, au jade pour le vert le plus pâle pendant que le ciel prendrait, lui, des couleurs de célestine à l'aurore, d'aigue-marine  au zénith du soleil , pour enfin dans la nuit tombante devenir saphir.  

 

Voilà le jour était complètement levé, la brume complètement dissipée, elle se surprit à avoir le sourire aux lèvres,  elle était excitée comme face à une gourmandise, mais  sans impatience, l'attente est le sel du plaisir.

Au loin elle entendit l'aboiement d'un chien, puis d'un second  très vite ensuite claqua un coup de feu qui vint déchirer le silence, la nature sembla se figer à son image : c'était un beau matin d'automne, mais ce ne serait pas une belle journée.      

 


12/01/2010
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