Les Fourmis (Boris Vian)

L'œuvre de Boris Vian pour multiple qu'elle soit reste encore trop méconnue, des premiers romans policiers parus sous le nom de Vernon Sullivan, aux romans tels

Que L'Arrache cœur, L'herbe rouge ou l'Ecume des jours en passant par ses poèmes  et ses pièces de théâtre tout cela reste marginale dans la mémoire collective. Seules ses chansons semblent avoir touché un plus grand public qui, en effet,  ne connaît pas « le Déserteur » par exemple.

 

Si cette chanson est considérée comme une chanson antimilitariste, elle reste pour moi moins forte que « la java des bombes atomiques»   car dans la java, l'humour a une part importante et la dérision reste un excellent moyen pour faire passer un message. Mais là où il a le plus touché à l'absurdité de la guerre, à mon avis,  c'est incontestablement dans sa nouvelle : « Les fourmis »

 

Je vous invite à découvrir la nouvelle ainsi que les autres qui sont parues dans le même recueil.

 

Je vous livre le début de la nouvelle :

 

 

On est arrivés ce matin et on a pas été bien reçus, car il n'y avait personne sur la plage que des tas de types morts ou des tas de morceaux de types, de tanks et de camions démolis. Il venait des balles d'un peu partout et je n'aime pas ce désordre pour le plaisir. On a sauté dans l'eau, mais elle était plus profonde qu'elle n'en avait l'air et j'ai glissé sur une boîte de conserves. Le gars qui était juste derrière moi a eu les trois quarts de la figure emportée par le pruneau qui arrivait, et j'ai gardé la boîte de conserves en souvenir. J'ai mis les morceaux de sa figure dans mon casque et je les lui ai donnés, il est reparti se faire soigner mais il a l'air d'avoir pris le mauvais chemin parce qu'il est entré dans l'eau jusqu'à ce qu'il n'ait plus pied et je ne crois pas qu'il y voie suffisamment au fond pour ne pas se perdre. J'ai couru ensuite dans le bon sens et je suis arrivé juste pour recevoir une jambe en pleine figure. J'ai essayé d'engueuler le type, mais la mine n'en avait laissé que des morceaux pas pratique à manœuvrer, alors j'ai ignoré son geste, et j'ai continué. Dix mètres plus loin, j'ai rejoint trois autres gars qui étaient derrière un bloc de béton et qui tiraient sur un coin de mur, plus haut. Ils étaient en sueur et trempés d'eau et je devais être comme eux, alors je me suis agenouillé et j'ai tiré aussi. Le lieutenant est revenu, il tenait sa tête à deux mains et ça coulait rouge de sa bouche. Il n'avait pas l'air content et il a vite été s'étendre sur le sable, la bouche ouverte et les bras en avant. Il a dû salir le sable pas mal. C'était un des seuls coins qui restaient propres.



20/01/2010
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