L'exposition

Pierre Dubosc était sorti tôt ce matin pour aller acheter la presse du jour. Au retour, il n'avait pas pris le temps de s'arrêter à la boulangerie pour prendre des croissants. En fait, il n'avait plus acheté de croissants depuis, oui, depuis deux ans maintenant, deux longues et interminables années.

 

Le vernissage d'hier avait été très éprouvant, la tristesse, qui ne le quittait plus, lui avait paru encore plus accablante que d'habitude. L'accueil très chaleureux du public aurait pourtant dû lui mettre un peu de baume au cœur, mais, hélas, il n'en était rien, bien au contraire.

 

Il versa lentement et distraitement son café. Il en but une gorgée sans s'étonner de l'amertume du breuvage.  Sans hâte, il commença par ouvrir « Le Monde » et lut directement la critique.

 

« Le vernissage de Pierre Dubosc, nous a réservé une surprise importante : en effet, l'exposition est un ensemble de quinze toiles  dont la particularité est qu'elles représentent  toujours la même personne : la muse de Pierre Dubosc, celle qui fut son épouse. Il s'agit bien d'une nouvelle facette de l'immense talent de l'artiste, talent qui est maintenant mondialement reconnu. Des quinze toiles, la première m'a semblé la plus délicate, la plus radieuse aussi. L'amour de l'artiste devait être à son apogée et il irradie la toile de lumière. »

 

Les souvenirs de cette période, celle de sa rencontre avec Marie, lui revinrent en mémoire.

Il  revoyait le bar de bord de mer. Il se rappelait les moindres détails de leur rencontre. C'était son rire juvénile qui avait d'abord capté son attention. Il s'attendait en se retournant à voir une très jeune fille, encore presque une enfant et il l'avait vue, elle,  la femme, Eve, Venus ou Aphrodite. Elle avait souri. Il avait cru alors au sourire moqueur et même dédaigneux de la femme sûre de sa séduction. Lui, avait été fasciné tout de suite par sa beauté.

 

Sa blondeur, ses yeux clairs, sa peau très légèrement hâlée, la pureté de ses traits lui firent penser que, là, se tenait la perfection, cette coquette qui se refuse obstinément  à l'artiste et qui s'abandonne lascivement à la nature.

Mais il n'aurait même jamais seulement rêvé qu'elle pût atteindre ce degré sous les traits d'une femme. Il ressentit alors un sentiment étrange, un trouble où se mêlent admiration et irréalité Jamais une toile ne l'avait autant ému. En fait, rien ni personne ne l'avait jamais bouleversé à ce point.

 

Heureusement que son ami Philippe avait proposé à Marie et à sa sœur de venir s'installer à leur table car, lui, n'en aurait probablement pas trouvé le courage. Et quand il a mieux connu Marie, il a compris que, seule, elle n'aurait jamais accepté leur invitation. Il crut même à cet instant  l'avoir vu légèrement rougir et cette timidité avait achevé de le séduire.

 

A près de quarante ans, il avait connu beaucoup de belles femmes. Son charme, son humour et son côté artiste les attiraient irrésistiblement. Mais, invariablement, au bout de quelques jours elles lui semblaient superficielles, égocentriques et incapables de véritable amour.

 

Il avait revu sa Marie les jours suivants, elle était déjà sa Marie, même si, en réponse à ses propositions, elle baissait pudiquement les yeux et ses joues s'empourpraient légèrement.

Finalement, un jour, elle avait chuchoté ces mots, de simples  mots qui lui paraissaient  à présent aussi suaves et aussi sensuels  que des promesses de langoureuses caresses.

« Je ne sais pas, je crois que je désire réfléchir encore.

-               Mais je ne te demande pas ta main, juste de poser pour moi.

-               Oui, je sais Pierre.

 

Oh aimait-il la manière dont elle susurrait son prénom ! Il avait résisté, il ne sait comment, à embrasser ces lèvres d'où s'écoulaient des sons doux comme le léger murmure d'un ruisseau à sa source.

 

-               Mais tu m'as dit que je devrais poser dévêtue.

-               Oui, mais pas nue si ça te gêne, en maillot comme à la plage ni plus, ni moins.

-               C'est différent, je vais avoir ton regard posé sur moi et c'est ça qui me gêne.

-               Parce que, tu crois qu'à la plage les hommes ne te regardent pas ?

 

Elle avait relevé les paupières et l'expression d'étonnement qui se refléta dans  l'eau pâle de ses yeux  l'avait alors foudroyé. C'est à ce moment, il en était sûr, qu'il était tombé amoureux d'elle, fou d'elle. Comment une femme de sa beauté pouvait ignorer l'effet qu'elle produisait sur toute la gent masculine !

 

Le lendemain, Marie était revenue à la plage mais, alors que jamais il n'avait fait aussi chaud, elle restait enroulée dans son drap de bain, elle ne le retirait que pour aller nager. Quand elle sortait de l'eau pour revenir s'allonger sur la plage, elle ne  fixait pas ses pieds comme elle le faisait les jours précédents. Elle observait autour d'elle, elle semblait guetter le regard des hommes.

 

Pierre avait vu d'autres femmes avoir cette attitude. Elles semblaient chercher l'admiration ou le désir dans leurs prunelles.

Mais dans l'azur des yeux  de Marie, d'habitude aussi pur et limpide qu'un ciel d'été,  il ne vit que trouble et inquiétude. Il pensa y voir comme de la crainte et même quelque chose qui ressemblait vraiment à de la peur. Marie, telle une biche, était la proie  de la fascination des hommes. Marie était aux abois, d'autres à sa place se seraient faites chasseresses.

 

Alors les jours suivants il ne l'avait plus quittée. Il restait près d'elle pour faire, par sa présence, un bouclier de son corps, un rempart de douceur qu'il voulait moelleux comme un cocon pour la protéger. Il pensa subitement que le terme d'écrin serait plus juste puisque Marie était à l'instar d'un joyau  capable de susciter toutes les convoitises.

 

 

 

 

 

 

******

 

 

 

 

 

 

 

Il fut de nouveau happé par ses souvenirs. Il songea avec douleur à cette époque heureuse où imperceptiblement, jour après jour, Marie se rapprochait de lui. Quand il avait osé, enfin, poser sa main sur son épaule, à son étonnement elle ne l'avait pas repoussé, elle avait serré son corps contre le sien. .....

 

 

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12/01/2010
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